André DU BOUCHET
André du Bouchet (né à Paris le 7 mars 1924 et mort le 19 avril 2001 à Truinas, dans la Drôme), l'auteur de Dans la chaleur vacante, passe son adolescence aux États-Unis où sa famille s'exile au début de la Seconde Guerre mondiale. Étudiant à Harvard puis professeur d'anglais, André du Bouchet revient en France, à la fin des années 1940. Influencé par René Char et Pierre Reverdy, il publie dans diverses revues ses premiers poèmes, réunis, dès 1951, dans un premier recueil, Air. Suivent de nombreux recueils de poèmes, dont: Dans la chaleur vacante et Ou le soleil. Parallèlement, le poète entreprend d'importants travaux de traductions, parmi lesquels figurent des textes d'auteurs tels que: Paul Celan, Friedrich Hölderlin, James Joyce, William Faulkner et Ossip Mandelstam, et prend part à la fondation de la revue littéraire L'Éphémère, en 1967, à laquelle participent Yves Bonnefoy, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, Paul Celan et Gaétan Picon. André du Bouchet, auteur d'un essai sur Alberto Giacometti, sera également attentif aux réflexions sur la sculpture et la peinture. À la question posée en 1995 par une journaliste (qui reprenait un propos de Hölderlin) « Pourquoi des poètes en temps de détresse ? », André du Bouchet répondait : « Tous les temps sont des temps de détresse, il y a quelquefois des poètes. » À lire (au mercure de France) : Dans la chaleur vacante, 1961 (réédition à partir de 1991 chez poésie/Gallimard). La Tempête de William Shakespeare (traduction), 1963. Ou le soleil, 1968. Qui n'est pas tourné vers nous, 1972. Voyage en Arménie de Ossip Mandelstam (traduction), 1ère édition en 1983, réédité en 2004. Poèmes de Paul Celan (traduction), 1984. Ici en deux, 1986 (réédition à partir de 2011 chez poésie/Gallimard). Désaccordée comme par de la neige - Tubingen, le 22 mai 1986, 1989. Axiales, 1992. Poèmes et proses, 1995. Entretien dans la montagne de Paul Celan (traduit en collaboration avec John E. Jackson), 1996. L’Emportement du muet, 2000. Aux éditions Gallimard : Le Gambit du cavalier, de William Faulkner (traduction), 1952. Dans la chaleur vacante suivi de Ou le soleil, collection "Poésie", 1991. L'Ajour, collection "Poésie", 1998. Ici en deux, préface de M. Collot, collection "Poésie", 2011.
« Dès les premiers recueils de poèmes d'André du Bouchet (Air, chez Jean Aubier, 1951, et Sans couvercle, GLM, 1953), je me souviens d'avoir été à la fois attiré et tenu à distance, en respect, si j'ose dire, comme par quelque bloc hautain (qui me paru alors sans faille), éclairé par une lumière mobile et violente. […] André du Bouchet n'a pas traduit par hasard cette remarque de Pasternak : " L'image est le produit naturel de la brièveté de la vie de l'homme et de l'immensité de la tâche qu'il s'est assignée. C'est cette incompatibilité qui le contraint à tout considérer de l'œil enveloppant de l'aigle, à traduire par brefs éclats son appréhension immédiate. Telle est l'essence de la poésie." [...] Sa poésie traduit ce qu'il a dit de Baudelaire, que ce qui l'arrêtait était aussi ce qui le faisait avancer : sa limite est son moteur, implacable, même s'il a quelquefois le désir de s'arrêter, d'être aussi immobile que la terre (mais ne serait-ce pas la mort ?) : " Cette chambre dont je vois déjà les gravats, comme une montagne blanche qui nous chasse de l'endroit où nous dormons. " En un sens, la poésie d'André du Bouchet ne relate donc qu'une seule expérience (qui est le fond de toute expérience), la profondeur de la vie, c'est-à-dire le mouvement toujours dans le même sens, le risque perpétuel, l'obligation, la difficulté et la merveille d'avancer (autant dire de respirer, autant dire, pour le poète, d'écrire). […] Une telle poésie s'est installée d'un coup dans un site escarpé, dans un air, raréfié, rejetant, méprisant toute hésitation, toute faiblesse, toute douceur, comme elle refuse l'éloquence , le commentaire et les propos quotidiens. Nous sommes beaucoup, sans doute, à avoir entrevu ces limpides éclairs, ces légères cimes ; mais là où nous n'avançons qu'avec hésitation, encombrés et soutenus à la fois par les apparences les plus simples, toujours prêts à céder à la facilité d'une chanson, à l'enrobement par le chant, André du Bouchet va droit à l'éclair, à l'instant, au pied du mur, au risque d'en perdre le souffle et la parole. Pourra-t-il se maintenir dans cette aridité déchirée, dans cet air qui ressemble tant à un pierrier ? Ce heurt du regard et du pas contre une limite extrême peut-il se répéter indéfiniment ? Je n'irai pas aujourd'hui au delà de cette question : la lumière qu'elle répercute pour le moment me suffit. »
Philippe JACCOTTET
Extraits de « La poésie d'André du Bouchet », La NRF n° 59, 1957.
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34 |